L’homme irrationnel- Woody Allen

Peut-être que ce film m’a plu sur le papier parce que je me suis, spontanément, identifiée à son personnage.
Prof de philo, plutôt dépressif et pessimiste, changeant de fac suite à des scandales d’ordre Ethique.

Peut-être que je me suis réjouie parce que c’était un nouveau Woody Allen. Un film « intelligent » intrinsèquement.

Peut-être que j’ai eu raison.
Peut-être que j’ai eu tort.

Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, attention spoiler !

On débarque dans une ambiance assez psychologique, une règle chez Woody Allen: un prof de philo, Abe,ressemblant étrangement à une rock star déglinguée, roule dans sa décapotable en picolant sévèrement.
C’est Joaquin Phoenix, un acteur dont j’apprécie le travail en général d’ailleurs.
Direction la nouvelle fac où il doit travailler et sa réputation l’a, forcément, précédé. Il court les femmes. Ses élèves.
On le trouve étrange, et tout un mythe se construit autour de lui.

De l’autre côté, une jeune femme en couple, Jill, plutôt « rangée » et de bonne famille, parle déjà de lui avec des yeux brillants.
C’est Emma Stone.

Les plans sont assez minimalistes: un plan par scène et déjà, on devine le scénario, fade et sans réelle surprise.
Ces deux-là vont s’acoquiner.

Le film se place volontairement sous le couvert d’une comédie romantique, les images sont douces, paisibles, esthétiques… Le soleil rayonne par le biais de la caméra, les couleurs ont une saturation intensifiante…

Le scénario, à de nombreuses reprises, ne laisse la place à aucun suspense.
Tout est vraiment bien trop prévisible: la jeune femme devient obsédée par cet homme sombre et mystérieux, intelligent et tellement tordu…

Lui, la repousse, jusqu’au jour où…

Et on tombe dans une farandole de clichés….

Les scènes de sexe, pas nombreuses, ne sont jamais montrées, et laissent seulement sous-entendre…
Ce qui, à mon sens, donne un ton un peu conservateur au film et n’aide pas dans le rythme et dans l’importance du développement des sentiments et des obsessions.

De sorte que la réaction de Jill découvrant que c’est son amant qui a volontairement empoisonné le juge, ne sonne pas très juste.

D’une obsession ancrée, d’un attachement fasciné pour l’autre on bascule dans une réaction disproportionnée et des doutes semés maladroitement.

Les soupçons dits aux grands jours, les multitudes de coïncidences ne semblent pas crédibles une seconde et on a du mal à ne pas décrocher du film.

Tout s’enchaîne et on s’y attend. Pas de surprise.

Malgré tout, par moments, le suspens fonctionne assez bien et la tension est palpable pour le spectateur….
La scène du repas chez les parents de Jill étant d’ailleurs une de mes préférées, nous mettant ainsi terriblement mal à l’aise face aux mensonges d’Abe, et à la volonté féroce pour les autres de construire des scénarios.
Assez brillant.

Le spectateur est alors totalement divisé.
C’est peut-être là le génie de ce film.

Interroger la morale de chacun d’entre nous.
Dévoiler nos limites éthiques, délimiter l’acceptable de l’inacceptable, et mettre en lumière l’extrême subjectivité du sens Moral humain.
Sans aucun Absolu.
Par le biais du système philosophique, des mélanges de voix-off argumentées de Abe, pour qui l’idée-même de tuer améliore nettement son état global et sa relation envers la vie et les autres , ce film nous fait moralement basculer.
Comment trancher?
Comment prendre position?
Et notre position est-elle juste?

On devient totalement empathe.

Abe devient progressivement un humain attachant, et le spectateur un humain compassionnel.
On comprend, voir même on adhère à  ce comportement sauvage mais néanmoins intentionnellement louable de Abe: rendre le monde meilleur.

Le film se révèle donc, à mon sens, intéressant et original parce qu’il met en lumière les questionnements philosophiques concernant l’Ethique.

Peut-être parce que Woody Allen, a, somme toute, des problèmes de cet ordre sur le dos depuis son mariage avec sa fille adoptive…?

Peut-être que cette Morale est contestable.
Cet absolu régi par la Justice et par les lois est-il vraiment légitime?

L’homme irrationnel soulève donc, vraiment, des sujets importants et liés.

Finalement, être dans la réflexion permanente, dans le recul analytique, est peut être une manière de se soustraire du Réel et de la Vie….
Tout en pensant la connaître sur le bout des doigts…
Alors, est-ce que la place accordée à tout cela, est légitime finalement?
Est-ce que c’est utile au monde?
Est-ce que ça le rend meilleur?
Est-ce que finalement il ne faudrait pas que tout le monde agisse pour l’intérêt Général (le Bien Universel) et non pour son intérêt privé (Bien Personnel) pour que le Monde soit meilleur? (Utilitarisme)

Est-ce que d’être dans l’Abstraction des mots, finalement, ça n’empêche pas d’être dans l’Action, dans le Vrai, dans la Vie, dans le Réel ?

En dehors de ces questionnements, de la fin originale avec la touche redondante de la lampe torche, j’ai trouvé le film plutôt moyen et pas intensément exploité.

Du « déjà vu », des coïncidences trop grandes, un scénario pas suffisamment original et travaillé….

Certains dialogues ne sont pas très cohérents et le jeu ne fonctionne pas.

Je pense notamment à la scène qui m’a parue la plus insupportable, comme pas à sa place, mal amenée, mal soutenue: la scène du bar-restaurant, durant laquelle,  Jill et Abe entende cette mère se plaindre du Juge corrompu…

C’est un peu trop surfait et les dialogues sont si explicites qu’ils sonnent étrangement dans le film.

Cette mère qui, sans le savoir, va déclencher une avalanche d’émotions dans le corps et l’âme d’Abe Lucas.

L’intrigue change de camp, le film change de genre. D’une comédie romantique, on vire dans une espèce de comédie romantico-tragique-thriller psychologique ?

Ce qui m’ a aussi semblé assez intéressant, c’est l’utilisation de voix-off double, laissant chaque personnage s’exprimer, avec recul ou pas d’ailleurs, sur la situation.
S’immisçant dans la crâne du spectateur. Le bousculant dans ses idées.

Alors, je reste mitigée devant ce dernier Woody Allen.

Je suis restée sur ma faim.

C’est un film qu’on oublie rapidement tant il ne se démarque pas de ce qui a déjà été fait…

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